VITA CONSECRATA IN ECCLESIA HODIE
Vie consacrée: premier message du pape François
1. Jésus, lors de la Dernière Cène, s’adresse aux apôtres par ces paroles: « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16), qui rappellent à tous, pas seulement aux prêtres, que la vocation est toujours une initiative de Dieu. C’est le Christ qui nous a appelées à le suivre dans la vie consacrée et cela signifie accomplir continuellement un « exode » de vous-mêmes pour centrer votre existence sur le Christ et sur l’Evangile, sur la volonté de Dieu en vous dépouillant de vos projets, pour pouvoir dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
Cet « exode » de soi-même, c’est se mettre sur un chemin d’adoration et de service. Un exode qui nous conduit à un chemin d’adoration du Seigneur et de service de Lui dans nos frères et soeurs. Adorer et servir: deux attitudes que l’on ne peut pas séparer, mais qui doivent aller toujours ensemble. Adorer le Seigneur et servir les autres, en ne gardant rien pour soi: voilà le « dépouillement » de qui exerce l’autorité.
Vivez et rappelez toujours le caractère central du Christ, l’identité évangélique de la vie consacrée. Aidez vos communautés à vivre « l’exode » de soi sur un chemin d’adoration et de service, avant tout à travers les trois pivots de votre existence.
L’obéissance, en tant qu’écoute de la volonté de Dieu, dans la motion intérieure de l’Esprit Saint, authentifiée par l’Eglise, en acceptant que l’obéissance passe aussi par les médiations humaines. Souvenez-vous que le rapport autorité-obéissance se situe dans le contexte plus ample du mystère de l’Eglise et qu’elle en constitue une mise en œuvre particulière dans sa fonction médiatrice (cf. Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, Le service de l’autorité et l’obéissance, 12)
La pauvreté en tant que dépassement de tout égoïsme dans la logique de l’Evangile, qui enseigne à avoir confiance dans la Providence de Dieu. Pauvreté comme indication à toute l’Eglise que ce n’est pas nous qui construisons le Royaume de Dieu, que ce ne sont pas les moyens humains qui le font grandir, mais c’est avant tout la puissance, la grâce du Seigneur, qui agit à travers notre faiblesse. « Ma grâce te suffit, ma puissance se déploie en effet dans la faiblesse », affirme l’Apôtre des nations (2 Co 12, 9).
Pauvreté qui enseigne la solidarité, le partage et la charité, et qui s’exprime aussi dans la sobriété et la joie de l’essentiel, pour mettre en garde contre les idoles matérielles qui obscurcissent le sens authentique de la vie. Pauvreté que l’on apprend avec les humbles, les pauvres, les malades, et tous ceux qui sont dans les périphéries existentielles de la vie. La pauvreté théorique ne sert à rien. La pauvreté s’apprend en touchant la chair du Christ pauvre, dans les humbles, dans les malades, dans les enfants.
Et puis la chasteté comme un charisme précieux, qui élargit la liberté du don à Dieu et aux autres, avec la tendresse, la miséricorde, la proximité du Christ. La chasteté pour le Royaume des Cieux montre comment l’affectivité se situe dans une liberté mûre et devient un signe du monde à venir pour toujours faire resplendir le primat de Dieu.
Mais s’il vous plaît, une chasteté « féconde », une chasteté qui enfante des enfants spirituels dans l’Eglise. La consacrée est mère, elle doit être mère et non une « vieille fille »! Excusez-moi si je parle ainsi, mais cette maternité de la vie consacrée est importante, cette fécondité! Que cette joie de la fécondité spirituelle anime votre existence; soyez des mères, comme des figures de Marie Mère et de l’Eglise Mère. On ne peut pas comprendre Marie sans sa maternité, on ne peut comprendre l’Eglise sans sa maternité et vous êtes une icône de Marie, de l’Eglise.
2. Le deuxième élément que je voudrais souligner dans l’exercice de l’autorité, c’est le service: nous ne devons jamais oublier que le vrai pouvoir, à quelque niveau que ce soit, est le service, qui a son sommet lumineux sur la Croix. Benoît XVI, avec une grande sagesse, a rappelé plusieurs fois à l’Eglise que si, souvent, pour l’homme, l’autorité est synonyme de possession, de domination, de succès, pour Dieu, l’autorité est toujours synonyme de service, d’humilité, d’amour; cela veut dire entrer dans la logique de Jésus qui se penche pour laver les pieds des apôtres (cf. Angélus, 29 janvier 2012) et qui dit à ses disciples: « Vous savez que les gouvernants des nations exercent sur elles leur domination… Il n’en sera pas ainsi parmi vous – c’est justement le thème de votre congrès, non? « Parmi vous, il n’en sera pas ainsi » – mais qui veut être grand parmi vous sera votre serviteur, et qui veut être le premier sera votre esclave » (Mt 20,25-27). Pensons au tort que font au Peuple de Dieu les hommes et les femmes d’Eglise qui sont carriéristes, arrivistes, qui « utilisent » le peuple, l’Eglise, leurs frères et soeurs – ceux qu’ils devraient servir -, comme un tremplin pour leurs propres intérêts et leurs ambitions personnelles. Mais ceux-là font un grand tort à l’Eglise.
Sachez toujours exercer l’autorité en accompagnant, en comprenant, en aidant, en aimant; en embrassant tous et toutes, spécialement les personnes qui se sentent seules, exclues, arides, les périphéries existentielles du coeur humain. Gardons le regard fixé sur la Croix: c’est là que se situe toute autorité dans l’Eglise, là où Celui qui est le Seigneur se fait serviteur jusqu’au don total de lui-même.
3. Enfin, l’ecclésialité comme l’une des dimensions constitutives de la vie consacrée, dimension qui doit être constamment reprise et approfondie au cours de la vie. Votre vocation est un charisme fondamental pour le chemin de l’Eglise, et il n’est pas possible qu’une consacrée ou un consacré ne « sente » pas avec l’Eglise. Un « sentir » avec l’Eglise qui nous a enfantés dans le baptême; un « sentir » avec l’Eglise qui trouve son expression filiale dans la fidélité au Magistère, dans la communion avec les Pasteurs et avec le Successeur de Pierre, évêque de Rome, signe visible de l’unité. L’annonce et le témoignage de l’Evangile ne sont jamais – et pour tout chrétien – un acte isolé. C’est important: pour tout chrétien, l’annonce et le témoignage de l’Evangile n’est jamais un acte isolé, ou celui d’un groupe, ni, comme le rappelait bien Paul VI, d’aucun évangélisateur, « en vertu d’une inspiration personnelle, mais en union avec la mission de l’Eglise et en son nom » (Exhort. ap. Evangelii nuntiandi, 80). Et Paul VI continuait: « C’est une dichotomie absurde que de penser vivre avec Jésus sans l’Eglise, de suivre Jésus en dehors de l’Eglise, d’aimer Jésus sans aimer l’Eglise » (cf. ibid., 16).
Sentez la responsabilité que vous avez de vous occuper de la formation de vos Instituts dans la saine doctrine de l’Eglise, dans l’amour de l’Eglise, dans l’esprit ecclésial.
En somme, le caractère central du Christ et de son Evangile, l’autorité comme service d’amour, « sentir » dans et avec l’Eglise Mère: trois indications que je désire vous laisser en y ajoutant une fois encore ma gratitude pour votre travail qui n’est pas toujours facile. Qu’est-ce que l’Eglise serait sans vous? Il lui manquerait la maternité, l’affection, la tendresse! Intuition de mère.
Chères sœurs, soyez certaines que je vous suis avec affection. Je prie pour vous, mais vous aussi priez pour moi. Saluez vos communautés de ma part, surtout les soeurs malades et les jeunes. A toutes va mon encouragement à suivre avec parresia (audace, notamment dans saint Paul, ndlr) et avec joie l’Evangile du Christ. Soyez joyeuses, parce que c’est beau de suivre Jésus, c’est beau de devenir une icône vivante de la Madone, et de notre Sainte Mère l’Eglise hiérarchique. Merci.
Lettre de la conférence des évêques suisse
Message du pape François pour l’Année de la vie consacrée qui a débuté au 1er dimanche de l’Avent 2014
VIE CONSACRÉE EN SUISSE